à LA RECHERCHE DU CANAL PERDU DE GIVORS
Le 17 octobre, sous un ciel radieux, notre groupe ANR Loire est parti à la recherche du canal perdu de Givors.
Une courte halte à la Grand Croix, pour prendre en charge nos amis du CERPI (Centre d’études et de Recherche du Patrimoine Industriel) et quelques adhérents en résidence à proximité, puis départ pour notre premier contact avec le canal à Givors.
Le président du CERPI, Monsieur René JACQUET, profite de ce voyage pour évoquer l’histoire du canal.
Au 18e siècle, la vallée du Gier ne dispose d’aucune voie de circulation routiére ou fluviale. Les transports sont effectués, en majeure partie, à dos de mulets. La progression de l’industrie nécessite la mise en service d’autres moyens de transport. C’est ainsi que naît l’idée d’une liaison entre l’Atlantique et la Méditerranée par l’intermédiaire de la Loire, du Rhône et de canaux. Vers 1750, François ZACHARIE, maître horloger à Lyon, présente, après de sérieuses études sur le terrain, le projet d’un canal qui, partant de Givors, remonte la vallée du Gier, passe près de St-Etienne et rejoint la Loire. ZACHARIE réussit à surmonter les nombreuses oppositions à son projet et obtient, en 1761, la concession du canal projeté, mais, sa construction n’est autorisée d’abord que de Givors à Rive-de-Gier. Pendant huit ans Zacharie travaille à la mise en oeuvre de son projet mais doit faire face à d’importantes difficultés techniques et financiéres. La mort de Zacharie, en 1768, marque l’arrêt complet des travaux. Son fils Guillaume ZACHARIE reprend le projet et obtient, en 1770, une prolongation de la concession qui lui permet de poursuivre les travaux et d’ouvrir le canal à la navigation en 1780. Après une période prospère jusqu’en 1787, les eaux du Gier, qui alimentaient le canal, deviennent insuffisantes et l’établissement d’un réservoir s’avère nécessaire dans la vallée de Couzon. La construction de ce réservoir a pour effet de limiter le canal au tronçon réalisé : le canal de Givors. Le grand projet de canal des deux mers est définitivement abandonné.
Pendant la Révolution, en 1793, l’activité s’effondre. Le service est repris à la fin de 1794.
L’apogée du trafic a lieu sous la Restauration. Deux mille bateaux utilisent alors le canal. Mais, après 1830, le chemin de fer concurrence directement le canal et, malgré la prolongation du canal jusqu’à La Grand Croix et Lorette de 1834 à 1838, l’entretien du canal n’est plus assuré et la navigation est officiellement abandonnée en 1878, après un siécle de fonctionnement.
A notre arrivée à Givors, nous nous arrêtons d’abord devant la maison de direction du canal, classée monument historique, qui a été entiérement restaurée dans l’état où elle était à l’origine. Nous visitons ensuite le grand bassin d’attente qui mesurait lors de sa construction 260 m de longueur et 180 m de largeur et pouvait recevoir jusqu’à 300 bateaux. Aujourd’hui, il reste de ce bassin environ 1/6e de sa superficie initiale, une partie de l’ancien bassin abrite désormais la piscine municipale.
Nous poursuivons ensuite notre recherche des vestiges du canal à savoir :
· L’écluse de la Valanière, bien conservés par la végétation les bords de l’écluse sont constitués de pierres taillées en provenance de Villebois, de 2,60 m de long et 1,40 m de large et d’un poids de 4 tonnes. La charnière des portes de l’écluse est bien visible, ainsi qu’une borne de pierre carrée indiquant 11 km ;
· Le pont-chemin de Givors, seul rescapé des seize ponts construits au début du canal ;
· Le pont-canal sur le Godivert à Givors représentant des ponts-aqueducs ;
· Des maisons éclusières comme celles de Givors et de St-Romain en Gier.
Tous ces sites ont été classés à l’inventaire des monuments historiques, mais leur dissémination rend parfois difficile d’imaginer leur intégration dans des parties de canal qui ont totalement disparu.
Seul le Rocher Percé, classé également monument historique, permet d’avoir une vue d’ensemble d’une partie suffisamment importante du canal. Un sentier d’interprétation permet de découvrir l’histoire du transport par le canal, grâce à des panneaux explicatifs. Du tunnel de 166 mètres, aujourd’hui obturé, au bassin d’attente, on franchit le canal sur une passerelle pour rejoindre la rive gauche et longer la double écluse entiérement rénovée. Une autre passerelle permet de franchir la double écluse et d’admirer les constructions du mur et des sas d’arrivée et de départ des eaux.
Après le Rocher Percé, nous nous dirigeons vers St-Andéol-le-Château, pour le déjeuner.
En début d’après-midi, nous reprenons la route en direction de Rive-de-Gier, La Grand -Croix et Lorette.
A Rive-de-Gier, la construction de l’Hôtel du canal est commencée en 1792, pour s’achever en 1796, avec une voute centrale pour le passage du canal. Mais c’est seulement un siécle plus tard, en 1891, que la ville est autorisée à acquérir l’hôtel du canal qui deviendra l’Hôtel-de-Ville de Rive-de-Gier.
Au début des années 60 naît le projet de liaison autoroutiére et c’est sur les terrains de l’ancien canal qu’est dessiné le tracé de l’autoroute. Le canal est alors utilisé pour le dépôt des déblais et de nombreux sites disparaissent. A l’exception des terrains du canal de La Grand-Croix à Lorette, récupérés par les Forges et Acièries de la Marine : c’est la mort définitive du canal.
A notre grande satisfaction, c’est un représentant du CERPI, né à Lorette, qui nous a relaté, ave une verve remarquable, une parfaite sincérité et un véritable amour de son pays natal, les principaux faits concernant cette ville.
L’écluse de Lorette a sans doute été sauvée de la démolition, grâce aux Forges et Aciéries de la Marine qui ont couvert cette écluse et construit une plaque tournante pour permettre aux trains d’entrer dans leur usine.
Actuellement, à la faveur du remplacement du grand collecteur des eaux usées, l’intervention du CERPI, auprès de la municipalité, a permis de réhabiliter le lit du canal. Cette opération, actuellement en cours, permettra l’aménagement d’un plan d’eau.
Notre conférencier nous a également montré la grande église Notre-Dame-de-Lorette, construite en grès houiller. Il a également évoqué largement l’industrialisation de la ville : grâce au canal, certaines usines ont employé jusqu’à 4 000 personnes.
Les besoins industriels ont aussi provoqué la construction de nombreuses briqueteries réfractaires et Lorette a été pendant une période le leader mondial de ces matériaux.
Notre visite s’achève, mais avant de regagner St-Etienne, nous adressons nos plus vifs remerciements à tous les organisateurs de cette journée du patrimoine industriel et plus particuliérement à nos amis du CERPI, pour leur prestation toujours parfaite, très appréciée par tous les participants.
Pierre GAILLARD